Souvenir de course : marathon de la Rochelle 2015

Souvenir de course : marathon de la Rochelle 2015

laurent verdier - club rma triathlon parisLe club RMA Triathlon Paris donne la parole à Laurent qui nous raconte son souvenir de course lors du marathon de la Rochelle 2015. On lui laisse le clavier et on lit.

Si l’entraînement est physique, la course est, elle, émotionnelle. Vraiment. D’abord, le doute qui empêche de dormir la veille. Puis la crainte de se tromper, dans le choix de la tenue. Peur d’avoir trop froid. Ou trop chaud. Et ce souhait de mettre mon maillot UNICEF, quitte à me mentir sur les conditions météorologiques.

Puis se fondre parmi les coureurs sur la ligne de départ.

Être ému par la sincérité du recueillement pendant la minute de silence en hommage aux victimes de la génération Bataclan.

Être touché par la Marseillaise entonnée par les 7 000 coureurs.

Être frappé par le nombre de drapeaux tricolores s’élevant dans le peloton.

Être galvanisé par la chevauchée des Walkyries crachée par la sono sur le premier kilomètre. Porté par Wagner, avoir l’impression de vivre une épopée grandiose, de participer à une tragédie grecque.

Mon frère remarque que mon cœur bat la chamade. Je vois qu’il va chercher à me rassurer, avec ses 10 marathons d’expérience. Il réfléchit et me lance, d’un ton docte : « ne me déçois pas, Laurent, ne me déçois pas ! » (c’est un biologiste, mon frère, pas un psychologue).

Les premiers kilomètres sont faciles et nous ne cherchons qu’à nous ralentir.

Alors que je n’arrive pas à canaliser mon esprit vers des pensées positives (je n’arrête pas de chercher à déceler si je ne ressens pas une douleur, ou un pli dans la chaussette, ou un pansement qui se serait décollé…), lui semble s’amuser. Il parle avec les coureurs (encore frais), remercie les bénévoles, tape dans les mains des enfants, fait une bise à sa femme venue nous encourager.

Les 10 marathons d’expérience feront toujours la différence.
laurent verdier - club rma triathlon parisSemi en 1h50, sans forcer. Je suis frappé par le nombre de spectateurs sur le bord de la route, par l’ambiance de fête qui semble avoir contaminé toute la ville.

Déjà, quelques coureurs qui marchent sur le bord. C’est un peu tôt, pour marcher. Ce qui m’étonne beaucoup, c’est la proportion importante de triathlètes parmi ces premiers abandons. Je comprendrai quelques kilomètres plus tard, en payant cash mon entraînement de 110 km à vélo d’il y a 8 jours, qu’un marathon nécessite un entraînement spécifique. Ça se respecte un marathon.

Km 30, mon chemin de croix va commencer. Je n’ai pas la douleur redoutée, mais plus de jus. Panne sèche. Alors que jusqu’ici j’étais régulièrement au dessus des 12 km/h, je descends inexorablement à 11, 10, 10,5, 9.

Je me bats pour remonter, pas moyen. Je maudis les gens qui disent que tout est dans la tête. La volonté, je l’ai, mais ce n’est pas elle qui donne du glucose à mes muscles.

Et c’est là, au 30eme km, alors que je suis à l’agonie, que mon frère le biologiste (et non psychologue, donc) me dit, d’un air enjoué : « allez Lolo, on n’a encore rien fait ; la course commence maintenant ! ».

Aparté : le meurtre est puni de 30 ans de réclusion criminelle par l’article 221-1 du Code pénal.

Le pire viendra des km 37 à 39. Je suis régulièrement assailli par des crampes. Parfois je suis obligé de m’arrêter net, tétanisé. Je fais quelques étirements et je repars. J’ai les larmes aux yeux. Putain, j’ai fait 37 km, je ne peux pas abandonner à 4 km de l’arrivée. C’est juste pas possible.

arrivée laurent verdier rochelle 2015- club rma triathlon parisMon frère reste avec moi alors qu’il pourrait finir facile. Il faut dire que, 2 mois après les 100 km de Millau, il n’est venu que dans l’objectif de m’accompagner.

J’ai de la compassion pour les coureurs qui s’arrêtent sur le bord. J’ai mal pour celui-ci, couché dans l’herbe et emmené par les secouristes.

Et puis, le visage crispé, les dents serrées, les derniers km passent. Mon allure augmente un peu.
Je sais que je le finirai, ce marathon. J’arrive dans le dernier km où il y a autant de monde qu’à l’arrivée du tour de France à l’Alpe d’Huez. Sensation magique.

Et puis, il me reste à marcher 1 km, appuyé sur l’épaule solide de mon frère (j’avais finalement plus besoin de cette force tranquille que d’un psychologue).

Finalement, je franchis la ligne d’arrivée après 3h53 de course

Sur le chemin du retour vers l’hôtel, alors que je suis proche du KO, nous ne pouvons nous empêcher de rire nerveusement quand nous entendons le speaker qui commente les arrivées dire :  « et voilà le dossard numéro xxx, bravo Monsieur… Mais oui vous pouvez vous arrêter… Mon grand, tu devrais t’arrêter… Heu… Est-ce que la Croix-Rouge peut venir près du podium d’arrivée… ».

 

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