L’ironwoman d’Elena

L’ironwoman d’Elena

Départ matinal avec Valentine. On retrouve Clarisse au parc vélo, on prend des photos, Valentine nous met de la crème…on fait passer le temps et descendre la tension. Valentine part sur la plage, Clarisse et moi nous mettons dans le sas de 1h05 (plutôt son temps que le mien), une accolade et on se dit qu’on se voit à l’arrivée !
C’est un rolling start : 2 gars font partir les athlètes toutes les 10 secondes. Moins spectaculaire, mais plus sympa pour les athlètes (surtout les filles). L’eau est bonne, presque trop chaude avec la combinaison, mais qu’est-ce qu’on flotte bien !

J’ai bien en tête le parcours car la veille on a passé la journée sur la plage allongées sur le transat avec Valentine à compter les bouées jaunes qui marquent l’aller, à repérer les bouée du virage et conter les bouées oranges du retour. C’est la partie la plus courte d’un IM en temps, mais la plus longue car tu es vraiment tout seul : pas possible d’échanger un mot ou un sourire avec qui ce soit.

Je décide d’utiliser un peu mes jambes (contrairement à d’habitude) en me fiant à mon cardio (même sans appareil, je sais quand je suis au seuil). Comme c’est une ligne droite, je me dis que ce n’est pas la peine de regarder devant trop souvent, mais je n’avais oublié que ma nage dévie à gauche (un peu de technique à travailler.), je pars donc un peu trop vers le large sur l’aller. J’ai toujours pas appris à prendre correctement les pieds des autres nageurs : j’essaie, mais ça me fatigue et m’énerve. Je me dis tant pis : pour garder une trajectoire plus correcte au retour, je fais néanmoins attention à avoir toujours de la mousse à droite et à gauche ! La bouée du dernier virage pour retourner sur la plage est un soulagement : on a fini le petit échauffement, les choses sérieuses commencent !
Dans la tente, je prends mon temps pour enlever ma combi, enfiler mes chaussettes et mes chaussures de vélo et surtout manger une barre et boire de l’eau. Je vérifie bien de tout avoir (lunettes, casque, bandana) et je pars chercher mon vélo.
La première partie du parcours est une petite boucle en ville, interdiction de se mettre sur le prolongateur (route pleine de trous et de dos d’âne), puis on attaque le premier tour sur la route qui longe la cote. On va devoir faire 2 tours complets et un tour plus court. Ça commence par un petit faux plat montant, puis descendant et ensuite c’est quasiment tout plat
jusqu’au demi tour (km 39).
Au km 18, je rattrape Clarisse (qui a fait une super nat). A certains endroits, c’est bien impossible de garder les 12 m de distance règlementaire, mais dans l’ensemble je n’ai pas vu trop de drafting (il y avait pas mal d’arbitres qui veillaient au grain car l’année dernière ce fut scandaleux apparemment). Je vois que ma vitesse est autour de 33-34 km/h, mais je suis bien : cardio en dessous du seuil et jambes qui tournent toutes seules. Sur la fin de l’aller, le vent (de face) se lève : bonne nouvelle, c’est bientôt le demi-tour et on l’aura dans le dos !
Je vois Valentine qui revient (moi je suis au 36, je calcule qu’elle doit être autour du 40ème km), encore quelques km et c’est le 1⁄2 tour. Le vent souffle un peu plus et cette fois-ci dans le dos : sans forcer, grâce aux roues profilées (merci Djedjga), je suis à 36-37 km/h. Depuis le début, je suis scrupuleusement mon plan de nutrition : une gorgé d’eau ou de boisson énergétique toutes les 15 minutes et quelque chose à manger toutes les 1/2 heure (j’alterne pain d’épice, barre et crackers) : c’est sans doute un des points clés de ma réussite.
À la fin du premier tour, je me demande s’il ne serait pas plus sage de ralentir pour ne pas foirer mon marathon : je réfléchis et j’analyse les paramètres. Je me sens bien, cardio et jambes OK, je n’ai plus qu’une difficulté à faire, la ligne droite (25 km quand meme…) face au vent (dans le troisième tour, plus court, l’aller est moins exposée). Je pense à Djedjga qui m’a dit que je pouvais faire moins de 6h. Pour une fois, je décide de prendre le risque : stick to the plan, but dare to change it !

Je me dis que sur la partie face au vent, je ne vais pas faire attention la vitesse, mais maintenir mon cardio bas et les jambes faciles pour ne pas me griller (du coup je suis à 29-30 km/h). Le vent souffle un peu plus et ces 25 km sont bien longs (j’ai bien roulé dans le vent aux stages de Dieppe et Argeles, mais là, je n’ai pas Hugues et Olivier G à coller…). Le deuxième retour vent dans le dos c’est à nouveau du bonheur (36 km/h de moyenne sur cette partie).
Je rattrape Valentine vers la fin du deuxième tour et on fait le 3ème ensemble (bien sur, à distance règlementaire !).

Sur le dernier retour, je m’autorise à penser au marathon : ça va être génial de voir les copains un peu plus tranquillement que lors des passages en vélo…

En descendant du vélo, j’arrive à courir : ça me rassure car j’ai un marathon à faire. Je pose mon vélo et je vois qu’il n’y a pas beaucoup de vélo chez les filles (on est toutes regroupées dans une zone dans le parc).
Je passe au toilette et me change sans me bousculer, pas la peine de prendre des risques.
À la sortie, j’ai devant moi Alex Zanardi, un mythe pour les italiens : pilote de Formula 1, il a un accident et perd ses 2 jambes. Il dévient alors athlète handbike et gagne les Jeux Paralympique à Londres et Rio. Il a déjà fait des IM et est là pour faire moins de 9h, tout à la force des bras. Je l’encourage car le marathon n’est pas facile pour lui : on court parfois sur la terre, on passe sur un terrain de foot synthétique où ses roues n’avancent pas et ça se voit qu’il galère. Il terminera en 8h59 : j’ai pu lui parler un peu le lendemain à la remise des prix, un homme très humble et très fort qui incarne l’Anything is possible, devise de l’IM.
Nous devons courir jusqu’à l’arrivée (1,6 km) puis faire 3 boucles. Ça commence donc par la fin, là où il y a le plus de monde : je vois rapidement les copains qui m’encouragent. Ça sera le repère principal de la course. J’avais décidé de courir sans montre, à sensations, sachant que j’ai beaucoup travaillé mon allure (11 km/h) et que j’ai appris à la reconnaître.
Néanmoins, je me fais prendre au piège classique : quand on descend du vélo, on a l’impression de ne pas courir vite, alors qu’on est souvent plus vite que l’allure cible.
La deuxième partie de la boucle est très chiante : il n’y a personne et avant le demi tour, il y a une ligne droite de 2 km qui semble infinie. On passe 2 fois sous le chemin de fer (au 3ème tour, la petite rampe ressemble plutôt au col de la Flégère, à la fin de l’OCC…). Mais il y a les panneaux kilométriques pour les trois boucles, du coup je croise rapidement le panneau km 21 et je me dis « la prochaine fois que je passe par ici, ça sera le semi». Il n’y a pas encore grand monde sur la CAP et ça court vite : je me fais doubler par quelques pros femme qui sont à leur deuxième tour. Elles volent…
Le plan nutrition, bien testé aussi, prévoit un gel tous les 9 km : je décide de marcher aux ravitos uniquement quand je prends le gel pour boire tranquillement, sinon je prends de l’eau sans m’arrêter. C’est bien de courir à sensations, mais à la fin du premier tour je demande aux copains mon allure : ils me disent 5’20, ça me rassure et je sais que même en ralentissant un peu je serai sub-4h, mon objectif.
Je découpe la course depuis le début : dans 3 km, je prend mon gel, dans 2 km je vois les copains, au 25ème, « Plus qu’un Paris-Versailles », au 30ème « Plus que 2 Parisiennes » etc…
Sur le deuxième tour, il commence à pleuvoir et ça fait du bien : il y a plus de monde et certains sont moins en forme que d’autres…
A la fin de mon deuxième tour, je vois une fille avec une allure parfaite et régulière : je décide de la coller pour ne pas caler et je mets un peu de temps à comprendre que c’est Aude qui est à la fin de son premier tour !
Je double Aymeric qui a l’air super en forme. Je me permets de penser à la ligne d’arrivée au km 40 tout en me disant que ce n’est plus la peine de l’imaginer car j’y serai bientôt ! Je sens aussi que je pourrais accélérer, mais je me dis que vu le temps en vélo et l’allure du marathon je suis largement en moins de 11h, mon objectif étant 11h30, je décide de profiter des 2 derniers km et surtout des derniers 200m sur le tapis rouge…

Plus de mot pour décrire cette arrivée, je suis aux larmes, comme à l’arrivée de mon premier marathon (avril 2009, ça commence à dater…).

J’attends les autres : c’est magnifique de les voir arriver émus, fatigués, fières de leur course….

Je ne connaitrai mon classement et mon temps que beaucoup plus tard lorsque je retrouve un téléphone : mon objectif était 11h30 et top 10 de ma catégorie, donc je suis méga surprise, surtout de la deuxième place.
Le lendemain, les émotions sont aussi très fortes. Un podium devant 500 personnes c’est incroyable et partager cela avec Clarisse est très émouvant.
Ensuite, l’attribution des slots pour Hawaï, complètement dingue.

Il y en a 40 qui sont distribués dans les catégories proportionnellement au nombre de partants, mais au moins 1 slot par catégorie. Du coup pour les filles, il y en a un a priori seul par catégorie (on n’est que 10% – 300 sur 3000). Ça commence par les plus âgées (dans les 3 dernières catégorie il y a une seule finisher et elles prennent toutes leur place) : la première de ma catégorie hésite (elle était à Hawaï l’année dernière), mais le prend : je ne peux pas dire d’être déçue car je ne m’y attendais pas du tout…
On s’apprête à partir pour visiter Girone lorsque le speaker dit « For the female group 40-44, we might have another slot, we need to check… » : on se regarde avec Clarisse, sa sœur et Dje, ébahies !
En effet, une dame dans la catégorie 70-74 est partie, mais n’a pas fini (merci Mrs Kelly !), du coup le slot est attribuée aux femmes et passe à la catégorie la plus nombreuse, la mienne (on était 65 alors qu’elles étaient 63 dans les 35-40…). À l’annonce de mon nom, je crie YES : je reçois mon collier hawaiien et j’ai le droit d’aller payer mon inscription (même s’ils montent un show, c’est une boite qui veut gagner du fric…).

La morale : je ne vais jamais gagner au loto car j’ai eu la chance d’une vie pendant ce week-end, mais comme dit Dje « l’argent du loto se dépense, l’IM à Kona se vit… » (mais il faut quand même de l’argent pour y aller !).
Je pensais retrouver une vie normale et refaire un IM en 2019, mais évidemment il faut honorer la chance d’aller à Hawaï (et ne pas trop défigurer), donc ça va encore être une année bien intense : je compte sur votre aide et support !
RDV à Kona le 13 octobre 2018 !

En résumé, les points clés

Pendant la course

• Alimentation rigoureuse et testée (merci Julie).
• Se fier aux sensations, mais uniquement si on se connaît bien grâce à l’entrainement.
• Ne pas innover, même si l’idée semble bonne.
• Compter dans sa tête quand on est dans le dur : ça fait passer le temps.
• Les copains : ceux qui courent et qu’on croise avec plaisir et ceux qui prennent leur week
end pour nous supporter.
• Optimiser tout ce qu’on peut prévoir et sur lequel on a la main et accepter ce qu’on ne peut
pas changer (météo, conditions…).

Pendant la prépa

• Faire autres choses que du tri (swim run, trail) pour travailler l’endurance.
• Faire des pauses (pour moi, ce fut une semaine en bateau et une de rando).
• Ecouter les expériences de course des uns et des autres (c’est pour cela que j’écris !).
• Prendre une carte de fidélité chez son ostéo.
• S’entrainer avec des copains qui deviendront des amis (merci à eux, ils se reconnaitront).
• Faire du gainage (merci Pierre).
• Connaître ses points forts et ses points faibles (respectivement l’endurance et le vélo pour
moi) et travailler les deux.
• Quand les entrainements sont durs, penser à la ligne d’arrivée.
• La patience et le soutien (même discret) de sa famille.
• L’émulation (merci RMA).

Et enfin, comme je suis italienne et un peu superstitieuse

• Manger la pizza calzone la veille ou l’avant veille (ça me porte de la chance depuis les quelques dernières courses, ne cherchez pas à comprendre…).
• Le haut de trifonction de Hugues qui fait courir vite (pas comme lui quand même…).

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