Ötillö : Marco et Xavier, jusqu’au bout du voyage

Ötillö : Marco et Xavier, jusqu’au bout du voyage

Après 2 années de course et de qualifications, Marco et Xavier se sont qualifiés et ont disputé la finale du World Championship de l’Ötillö, le Kona du swimrun. Ils reviennent sur leur épopée exceptionnelle.

…heureux qui comme Ulysse, après un long voyage…

Voici plus de deux ans, nous créions une équipe, formée de Xavier Le Meut (la cinquantaine) et Marc Fortier-Beaulieu (la soixantaine), pour faire le swimrun de l’Engadine, une des courses difficiles de la série mondiale Ötillö, le Kona du swimrun. Notre objectif était de finir la course dans les temps, en chacalisant les cut’off. Ce fut fait, malgré un sévère orage, et la difficulté d’une course très axée CàP (course à pied pour les intimes), riche en dénivelée, et nous espérâmes même finir dernier mais non, nous n’étions pas si mauvais ! Silver était la couleur partielle de nos chevelures. L’esprit Finisher allait rester notre label. Le chacal ne lâche rien. For ever never.

Xavier eut alors l’idée de prolonger l’aventure et de tenter de se qualifier par le programme 7/24 (sept courses dont cinq labels Ötillö et deux « merit races », en moins de deux ans), pour la finale considérée comme le Championnat du monde, et courue sur le parcours initial (initiatique) de la course entre les îles de Sandhamm et de Utö. Il y a 17 ans quatre suédois un peu bargeots relièrent les deux îles en courant sur la terre ferme et en nageant entre quelques unes des dix milles îles et îlots de cette partie de l’archipel de Stockholm, en vingt-neuf heures.

Nous mîmes donc les bouchées doubles et dans un programme d’un an se succédèrent : l’ötillö des Scilly. Somptueuse course dans un décours féérique, chapelet d’îles entourant une large baie, par une météo parfaite. Dans l’eau froide et les algues géantes de la deuxième nat’, avec un peu de tempête ça doit juste être effrayant ! La passion était née. Le projet en route.
l’ötillö des Milles lacs en Mecklembourg Brandebourg, ach, magnifique course roulante donc exigeante dans les forêts teutonnes, parsemées de lacs tous différents. Romantique à souhait. Un bonheur total. Un classement très honorable !

L’ötillö Cannes. Concept spécial de City swimrun. C’était spécial en effet avec un passage digne de Délivrance, traversée de tuyau de béton d’écoulement des pluies dans une rigole pourrie, montée par un ancien chemin de funiculaire rouillé, mais un joli parcours entre Saint Honnorat et Sainte Marguerite. Poussifs sur cette course. Y a des hauts et y a des bas !
L’ötillö Hvar : là aussi décor sublime dans les îles croates, parcours passionnant, course bien menée à une une allure sportive ! Nous avons découvert l’art achevé des organisateurs pour exploiter au mieux de la course la géographie de chacun des lieux.

L’ötillö Utö (on dit Utah) pour un avant goût de la finale à laquelle on commençait à croire puisque c’était notre cinquième course labellisée. Ici naquit notre amour de la Suède et de sa Baltique à 8°C. Encore un coin de paradis nature. Gentillesse des îliens sans histoire ! Paradis.
Restaient deux Merit races ! Nos obligations professionnelles et/ou familiales (on travaille aussi ! Xavier dans l’édition et moi dans la médecine), nous obligèrent à faire une course très dure
l’ultra de la Côte Vermeille. Redoutable course. Ambiance hyper chaleureuse. Paysages somptueux. Course terrrrible. La montée à la Tour de la Madeloc en plein cagnard fut rude ! Quatorze heures. On a mis du temps à s’en remettre. On a aussi adoré.

Et le petit swimrun de Stockholm, étonnante petite course en nature sur les terrains de l’Université de Stockholm (nous aimons définitivement la Suède). La nature en pleine ville. Une orga folklo. Après un gag genre : classés DNS, nous fîmes rectifier et nous eûmes le précieux sésame ! La QUALIF ! Restait à la préparer…

Et restait la finale. Aboutissement vous l’avez compris si vous avez tenu jusque là, d’une grosse année d’efforts et plein d’angoisses sur les gestions de course, allions nous finir dans les temps?
Et nous voilà en vue de la finale, préparée pour le dernier mois chacun de son côté (Majorque et Cantal pour Xavier, et Montagne ardéchoise et son sublime lac d’Issarlès pour Marc).

Mon dernier mois ! Quatre semaines à enchaîner les traversées de lac à Issarles : altitude 1000m, diamètre 1500m et profondeur 138m, 3400 non stop un jour, avec des tours de lac de 3700m, par un ou deux. Plus de la CàP, longue ou fractionnée et un peu de vélo. Merci à José qui m’a mijoté un programme sur mesure aux petits oignons ! Sans toi je n’aurais pas fait tout ça aussi bien.

La Course

Premier impératif : ne pas rater l’avion, comme pour l’Engadine. Fait.
Objectif : finir honorablement une course formatée pour des athlètes sélectionnés, qualifiés au classement ! Les barrières horaires étaient donc prévues pour des Marmules et des Golgoths, des athlètes bien meilleurs nageurs et meilleurs coureurs que nous : 9h, 11h15 (la plus dure), 16h, un peu plus large et 18h, histoire que tout le monde ait fini avant la nuit.

Début comme une course vélo neutralisée derrière un quad. Six plombes du matin ça ne sentait pas le sang écarlate finalement, mais l’enthousiasme de 300 heureux élus comme les spartiates aux Thermopyles. Première natation frisquette mais à 2’13 au 100. C’est bien pour moi. Et donc pour nous. Première CàP. Grosse désillusion sur l’accroche des XTalon 210 de ma marque préférée ! Certes leur belle couleur orange est flashy mais la semelle n’accroche pas du tout sur les rochers visqueux des rives baltes ! Galère galère et six minutes de retard sur le planning rigoureux de Xavier. Il faudra les rattraper ! « Virtuellement on est éliminés » me dit Xavier ! Et c’est l’alternance des nat’ et CàP d’îlots en îles avec notre science éprouvée de la transition ! Vingt trois tronçons de natation donc vingt-trois fois deux sorties et entrées ! L’eau est passée de 13 à 18 degrés. Et des CàP variées, parfois dans des paysages féériques.

Le problème était que les deux premières barrières étaient très dures et qu’il fallait arriver à la troisième avant 11h15, donc visser sur la première CàP longue et roulante. Ce qui fut fait, en menant devant Xavier pour lui donner un tempo plus rapide sans forcer, l’aider à trouver le surcroit de vitesse qui nous a permis de regagner les six minutes fatales, mais pas plus. Arrivée 5 minutes avant l’heure fatidique avec des acclamations enthousiastes ! Ensuite restaient la Pig swim, portion de natation réputée difficile car ventée et souvent agitée. Elle l’était. C’est passé sans problème. Et le gros gros gros morceau un petit semi de plus 18 que 21 km mais long, vallonné et sanctionné par un dernier cut’off à 18 heures que nous avons passé avec dix minutes de large. Et fin tranquillou avec deux serre-file sympa. Et l’arche avec un public en délire puisque nous étions derniers. Ola et tout ! Larmichette de rigueur ! Et après quelques félicitations mutuelles avec les amis, direction la maison qui nous est réservée toute propre au calme avec sauna ! Dormir.

Alors ? C’est comment le swimrun sur une finale Ötillö ? Ou plutôt comment s’est passé « notre » Ötillö ?
Le swimrun c’est ludique en fait ! Mais oui on s’amuse, pour peu qu’on garde un peu d’éveil sur ce qui nous entoure, et qu’on cherche dans la compétition sportive tout ce qui nous fait plaisir et dont on se souviendra dans le futur. Sur les courses Ötillö c’est facile ! Et ça n’empêche pas la performance ! Être attentif est très utile sur des parcours qui n’ont rien de chemins carrossables.
Le grand « truc » de notre histoire c’est que cela s’est passé par étapes. Quelques courses, parfois difficiles mais réussies (côté classement), comme les Scilly et les Mille lacs. Avec en plus un environnement disons le, jouissif, d’autres plus ardues mais superbes comme Hvar, Utö. Certaines déconcertantes comme Cannes ou Stockholm. Et toujours l’oeil rivé au chrono car il ne s’agissait pas de faire du tourisme, même « si », mais de se qualifier en empilant des courses validées. Le top fut sans doute l’avant dernière, l’ultra de la Côte Vermeille, course vraiment dure (14h d’effort !), avec des segments terribles (La Madeloc et sa montée dans les vignes en plein cagnard, la fin sans savoir si il y avait une barrière horaire à l’arrivée, donc 700m de course dans le sable). Donc une campagne avec sept batailles dont aucune ne devait être perdue. Remember Napoléon, au pays de Bernadotte ! Passé Stockholm, il ne restait plus une course possible. Donc il ne fallait aucun échec. Aucun.

Successions d’angoisses. Suite de courses au cut’Off. Mais aussi successions de pics de formes et de méformes alternés où nous sommes en opposition de phase ce qui fait d’ailleurs que le courant passe et que chacun aide l’autre tour à tour ! Il faut allier stratégie et tactique ! Le projet de long terme et la maîtrise de chaque étape. Pour ça, chapeau Xavier ! les cartes plastifiées annotées avec chaque temps de passage évalué, pesé, réfléchi ! Ça sentait l’École de Guerre. Et Paix, évidemment. Bam : « virtuellement on est éliminés ». Ça motive pour pousser un peu plus loin derrière la plaquette et avancer un peu plus avant la chaussure à chaque mouvement ! Concentration. Sérieux aimable des enfants tout à leur jeu aurait dit Kierkegaard. Qui est Danois pas Suédois. Gaffe.

Je me sens parfois cruel quand j’entends Xavier haleter derrière en CàP, comme à Stockholm où la crainte d’un cut’off à 16h sous l’arche d’arrivée nous fait la franchir après 2 km de sprint à 16h00’03 et demander anxieusement si nous étions dans les temps ! En fait y avait pas de temps limite à l’arrivée… Il faut dire que 15 jours après Collioure, c’était très dur.

Je me sens parfois coupable quand je n’arrive pas systématiquement à maintenir du mou sur la longe qui nous relie en natation, où que je comprends que malgré mes X fois 1700 m au Lac d’Issarlés, je ne pourrai pas soulager Xavier en prenant la tête une seule fois en natation. Mais en fait ces différences de compétences sont une complémentarité et sont le secret des chacals ! Ne rien lâcher du dépeçage systématique de la proie, celle qu’on appelle la Qualif ! Rongée à l’os.

Et puis la course avec ses grands moments ! Le soulagement de 11h15, cinq minutes en avance. Celui du dernier Cut’off, 18h, sous le regard paternel assez incrédule de Matt, le grand chef opérationnel de l’Ötillö, se disant visiblement : « tiens, ils l’ont fait, je n’aurais pas cru », mais un regard, n’hésitons pas à le dire, plein d’amour ! Amour des organisateurs pour ceux pour qui ils travaillent toute l’année, ceux qui vont rendre leur grande mise en scène digne de L’Anabase, et que nous avons nous aussi célébrée, en nous écriant « Thalassa, thalassa » en voyant la mer annoncer le dernier Cut’Off, libérateur, à l’instar des 10.000 guerriers grecs finissant une retraite ordonnée à travers la Perse, et apercevant la Mer Noire et la fin d’un long périple.

ÉPIQUE je vous dis !

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